mercredi 23 février 2011

L'Afrique le Jasmin et les Amines

Le spectre de la révolution tunisienne plane sur tout le continent africain et même ailleurs. Pour autant, je ne crois pas, je ne souhaite surtout pas qu’une révolution à la tunisienne soit la bienvenue sous nos cieux.

Si on étudie l’histoire de la démocratie en Afrique on peut facilement faire une typologie en 3 catégories.

Le premier lot de pays étant constitué par ceux qui ont connu le multipartisme depuis fort longtemps et qui ont une tradition de dialogue et d’échange entre les populations et leurs états. Dans ces pays, même si on ne peut pas parler de démocratie au vrai sens du terme, un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, c'est-à-dire une démocratie au sens athénien du terme, il existe une parodie de démocratie. Les élections comme seul moyen légal d’accéder au pouvoir et une administration qui tente de répondre aux aspirations du peuple. En réalité, même dans ces pays la, le peuple ne gouverne pas, les réels gouvernants sont l’état et la bureaucratie. Dans ce premier lot le peuple n’est pas bridé même si on note ça et là quelques dérives étatiques qui sont à l’encontre d’un idéal démocratique. C’est le cas du Sénégal. Après le Sénégal d’autres pays ont adopté le multipartisme (qui n’est pas un ersatz de démocratie), (Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Côte d’ivoire, Guinée, Madagascar, Mauritanie, RCA, Rwanda).

Un deuxième lot est constitué des pays qui ont découvert la démocratie après la conférence de la Baule (19-21 juin 1990). La majeur partie de ces pays sont passés par les conférences nationales qui sont également un moyen de dialogue et d’échange qui a servi à soigner les plaies des quelques décennies de dictatures qui ont suivi les indépendances. (Bénin, Congo, Togo, Niger, Mali, Tchad ). A défaut d’une démocratie, le pardon et c’est tout bénef puisque ça évite le sang de la révolution

Le troisième lot est constitué de l’essentiel des pays du Nord de l’Afrique (le Maghreb) pour l’essentiel dirigés par des dictateurs et autres despotes déclarés « allusion à despotes éclairés». Il s’agit principalement de la Tunisie, de l’Egypte, de la Libye et dans une moindre mesure de l’Algérie et du Maroc. Dans ce dernier lot de pays le peuple n’a jusqu’ici pas eu droit au chapitre. Aussi les ressources économiques de ces pays sont toujours détenues par quelques familles souvent proches des dirigeants. Les maigres tentatives de révoltes et de réclamation d’une démocratie ont été matées dans le sang. Il fallait donc qu’un jour ou l’autre que le peuple se réveilla pour réclamer son dû, sa véritable indépendance après les indépendances. La révolution constitue pour ces pays le seul moyen « accepté » ou subi par l’état pour renoncer au pouvoir. Le sang versé en valait-il la peine ? Je me pose encore la question. La sueur ? oui !

Pour des pays comme les nôtres, une révolution à la tunisienne serait de mon point de vue un recul. Notre « démocratie » est trop avancée pour que des centaines de vies soient sacrifiées sur l’autel d’un changement de régime qui n'est pas forcément synonyme de démocratie. Il me semble que mon peuple a compris depuis l’an 2000 et peut-être même avant, que les élections constituent le seul moyen légal de renverser un pouvoir. Je n’en dirais pas plus, le Sénégal et les sénégalais jugeront en 2012.

Aussi, me semble-t-il, ce qui s’est passé en Egypte et en Tunisie doit être analysé brièvement sous deux angles. Le premier est politique, il s’agit d’un homme, le chef d’état qui empêche à tout un peuple de jeter un regard, encore moins de commenter sa gestion ou de dire ce à quoi il aspire.

Le second est économique, une oligarchie (Ben Ali et le clan Trabelsi, Khadafi Moubarak et leur famille, ailleurs aussi sous les tropiques) qui centralise les ressources économiques du pays alors que la peuple vit dans la misère. L’un dans l’autre, la seule alternative qui s’offrait aux populations (Tunisie et Egypte) était la révolte et la sédition puisque pour rien au monde leurs dirigeants ne lâcheraient le pouvoir, de peur d’être poursuivis par leurs successeurs. La révolte (une contestation ou opposition à l’autorité parfois non organisée) mène à la révolution (mouvement organisé qui demande un changement en profondeur).

Que les populations sénégalaises soient révoltées contre les coupures de courant et le coup élevé de la vie me semble normal et je le conçois. Que certains d’entre nous veuille braver l’autorité en organisant une marche « non autorisée (il y’a un flou juridique dans ce domaine)», je concède. Que la révolte serve à brûler des pneus, à casser des bus et à incendier des agences de la SENELEC, je condamne.

Pour autant une bonne lecture de la géopolitique du monde doit faire réfléchir nos dirigeants et mêmes tous les dirigeants du monde. Nous vivons une époque de la cyberculture ou les informations se communiquent « à la vitesse de la lumière ». Il est aujourd’hui, plus que jamais très facile de mobiliser un groupe et même un peuple autour d’une cause et c’est cela qui a accéléré la révolution en Egypte et en Tunisie. Une fois réunie, plus personne ne la contrôle la foule, et elle agit bien souvent inconsciemment et les résultats de ses actes dépassent parfois les attentes des initiateurs du mouvement. C’est d’ailleurs ce qui explique la fameuse phrase d’Horace le poète latin (dans Odes III.1) « Odi Profanum Vulgus et Arcéo » (Je haïs le vulgaire profane et je l'écarte.). Le profane c’est chacun d’entre nous, c’est chaque individu de la foule. Même si on est loin du Jasmin et qu'on se contente des Amines de nos illustres bienfaiteurs de Tivaouane, Touba, Kaolack etc.

Le monde n'est plus ce qu'il était, les TIC et l'internet sont passés par la. Ils peuvent amplifier des intentions ou alors servir de caisse de résonnance capable en quelques heures d'essaimer tout un peuple pour qu'il se mobilise autour d'une cause. Les réseaux sociaux sont aussi des vecteurs sociaux. Tout les spécialistes de webmarkting le comprennent bien d'où le concept de marketing viral.

Ben Ali l’a appris à ses dépens, Moubarek l’a su y’a pas longtemps mais c’était trop tard, Khadafi lui rame à contre courant alors que Gbagbo le beau vit son dernier temps.

Que tous les autres dictateurs d’Afrique se le tiennent pour dit.

mardi 22 février 2011

De la culture à la cyberculture

Le vocable culture est à la fois complexe et lourd de sens. Il est alors bien difficile de tenir sur la culture un discours objectif échappant à stéréotypes et autres catégories préétablies. Toute action humaine est en quelque sorte le fruit d’une culture. Notre façon de percevoir les choses, de penser et d’agir, est fortement influencée par le milieu, la société à laquelle nous appartenons. C’est ainsi que le vocable culture peut être associé à toutes les situations, les peuples, l’action, le domaine couvert ou même la profession. On parle ainsi de culture Diola, de culture journalistique de culture d’entreprise c'est-à-dire « un ensemble de traditions, de structures et de savoir faire qui assure un code de comportement implicite et la cohésion à l’intérieur d’une entreprise ». La culture semble ainsi prendre le sceau ou la marque de fabrique qui identifie toute organisation.
La culture peut être comprise au sens de traits de civilisation lorsqu’elle détermine la façon de voir et de se comporter d’un individu ou d’un peuple fortement inspirée de l’histoire et de la tradition de ce peuple. Elle peut, à ce titre être définie comme « un ensemble de convictions partagées de manière de voir et de faire qui oriente plus ou moins consciemment le comportement d’un individu, d’un groupe » (Larousse 2008).
La culture peut être assimilée à l’art et à l’artisanat c'est-à-dire un ensemble de savoir et de savoir faire. L’art de parler des griots, l’art de tisser, l’art de cuisiner. La mode, à la façon de marcher de s’habiller, de parler…exp la culture Hip Hop, Hippy, Punk, roots, elle est à ce titre une philosophie, l’art d’être…et de se comporter comme les membres de cette communauté. Un trait d’humanité, ce qui fait qu’un membre d’une communauté puisse être reconnu et accepté comme tel.

Au sens folklorique du terme la culture épouse le sens de manifestations et de célébration fêtes, croyances, rites, contes légendes etc.

La culture peut également être perçue comme un ensemble de connaissances « ce qui reste quand on a tout oublié »( Edouard Herriot, homme politique et écrivain français), culture religieuse, culture islamique, culture générale.

Il ressort de toutes ces définitions que la culture est moins déterminée que déterminante, et que le mot recouvre des réalités bien changeantes et diverses selon les époques, s’étendant sur des champs éloignés, découvrant les domaines nouveaux ou se repliant sur des valeurs fondamentales. Nous retiendrons dans le cadre de cette réflexion une conception ethnologique de la culture que nous partageons d’ailleurs avec E. B. Taylor qui avançait en 1871 que « La culture [...] est cet ensemble complexe qui inclut la connaissance, la croyance, l’art, la morale le droit, la coutume et toutes autres capacités et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société ». Dans cette optique, le champ culturel embrasse pratiquement tout ce qui fait de l’individu un être social.

Cette conception de la culture nous permet de mesurer et d’appréhender ses enjeux réels puisque la culture définit en quelque sorte l’identité de l’individu. Comment s’exprime cette identité humaine dans la société de l’information ? Quel est aujourd’hui le rapport entre l’homme et la technologie, entre l’homme et l’information voir entre l’homme et ses semblables ? C’est bien la, le fondement de la cyberculture d’où l’hypothèse de Claude Baltz « qu’il n’y a pas de société d’information sans cyberculture ». et que « “L’honnête homme” de ce début de XXIe siècle, et les autres, ont assisté de près ou de loin à l’explosion de la communication sous toutes ses formes et en particulier, évidemment, celle de l’Internet. On commence à saisir que se développe sous nos yeux un ensemble inédit de technologies et de connaissances affectant profondément tous les aspects de notre mode de vie, ce dont les représentations culturelles traditionnelles ne suffisent plus à rendre compte. Un ensemble plus vaste est à concevoir. La cyberculture se présente comme un début de réponse. » Pour cet auteur, la cyberculture est un début de réponse à la nécessité d’une nouvelle attitude théorique par rapport à la société d’information, de la part du savant, du politique ou du gestionnaire. La cyberculture désigne aussi, selon Pierre Lévy, l'un de ses principaux théoriciens, un nouveau rapport au savoir, une transformation profonde de la notion même de culture, voire une intelligence collective dont la Wikipédia pourrait justement servir d'exemple.

L’internet constitue pour ainsi dire un terreau fertile où se développent toutes formes d’expression culturelle. Corrélativement, les pratiques et comportements culturels sur internet ont également générer de nouvelles aptitudes et des attitudes, de nouvelles façons de voir le monde, de nouveaux savoirs, un « savoir savoir » (savoir trouver l’info), un savoir faire (savoir réutiliser l’info) et tout simplement une nouvelle culture informationnelle que l’on peut, à juste titre qualifier de cyber-culture. Pour deux raisons à mon avis :
Un, son universalité
Deux, son soubassement technologique réticulaire.
Il est à présent évident que les TIC sont en train de dessiner les contours d’une nouvelle époque dont la principale richesse est le savoir et la connaissance. L’information et les connaissances sont à présent reconnues comme un enjeu mondial au même titre que l’éducation, la santé, l’environnement etc. Aussi, sont apparus des concepts tels que l’économie de l’information, intelligence collective, intelligence économique. Bref, l’information est assimilée à un pouvoir et elle est également un enjeu majeur pour le développement à tel enseigne que l’Organisation des Nations Unies lui consacra, en association avec la société civile et les États, un Sommet mondial sur la société de l’information qui s’est déroulé en deux phases (Genève 2003, Tunis 2005)

Nous invitons alors les lecteurs à lire le texte de Pierre Levy que nous qualifions de fondement théorique de la cyberculture, pour mieux appréhender les enjeux pratiques que nous souhaitons aborder dans ce cours.
Lien du texte : http://www.ub.edu/prometheus21/articulos/obsciberprome/pierreluniversel.pdf

Avant propos sur la cyberculture

Le thème de la cyberculture est pratiquement neuf et il n’est enseigné que dans quelques rares universités en Europe, celle de Paris 8 notamment, mais il commence à faire l’objet de quelques séminaires (Claude Baltz). Aussi, en dehors de l’ouvrage éponyme de Pierre Levy (1997) , le thème de la cyberculture ou de la “culture informationnelle” n’est pas réellement enseigné dans le monde universitaire francophone et il serait aventureux de notre part de vouloir bâtir, en l’état actuel de la recherche, une théorie de la « cyberculture ». Les auteurs que nous qualifions de pères de la cyberculture, Timothy Leary, Pierre Levy, Claude Baltz notamment ont tenté d’établir une théorie sur le rapport entre « l’homme et la technologie, entre l’homme et l’information en partant de l’hypothèse qu’il n’y a pas de société d’information sans cyberculture » Autrement dit, « pour gérer une entreprise, jauger une évolution individuelle ou sociale, voire même innover économiquement ou technologiquement, nous aurons de plus en plus besoin d’une vision d’ensemble de notre être-au-monde dans une société conditionnée par les technologies de l’information. » (Baltz, 2005).

Notre démarche est beaucoup plus simple. Il consistera surtout, en partant des théories des précurseurs, donc une approche philologique, de décrire et d’analyser quelques manifestations concrètes de la cyberculture en partant de cas pratiques inspirés du mode de vie africain et de l’impact des TIC sur notre façon de voir et celle de vivre notre temps. Notre approche s’inscrit alors plus dans l’étude des manifestations et enjeux sociaux de la cyberculture que dans l’élaboration d’une « théorie» du phénomène. Nous nous appuierons cependant sur les fondements théoriques établis et pour lesquels nous avons longuement échangé avec certains des auteurs, pour mieux analyser les manifestations concrètes de la cyberculture.

Aussi les réflexion que nous proposons ici sont pour l’essentiel, inspirés de nos lectures sur le sujet, du séminaire de cyberculture dispensé à l’université de Paris 8 par le Professeur Baltz, de même que quelques résumés et projets de publication extrait d’une thèse de doctorant en science de l’information soutenue au département Hypermédia de l’Université de Paris 8 en 2009 sous la direction du professeur Claude Baltz.